Quelles données recueillir pour améliorer les pratiques professionnelles face aux morts suspectes de nourrissons de moins de 1 an ? Etude auprès des parquets
Résumé
Sur le plan de l’intérêt médical et épidémiologique, l’analyse des taux et des causes demortalité infantile ainsi que de leur évolution est largement justifiée par l’importance dunombre de morts avant l’âge de 1 an, par la part très particulière de la mortalité d’origineviolente et par les problèmes de fiabilité des données à cet âge. En effet, durant toutel’enfance, c’est la première année de la vie qui est marquée par la mortalité la plus élevée :selon les données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) del’Inserm [1], responsable des statistiques nationales des causes médicales de décès en France,le taux de mortalité infantile était, en 2000, de 451,0 pour 100 000 versus 25,1 pour lesenfants de 1 à 4 ans, 12,6 pour ceux de 5 à 9 ans et 16,0 pour ceux de 10 à 14 ans. Par ailleurs,la tranche d’âge des enfants de moins de 1 an est tout particulièrement touchée par lesmauvais traitements aboutissant à la mort (taux d’homicide de 2,5 pour 100 000 vs 0,7, 0,5 et0,4 chez les 1-4 ans, les 5-9 ans et les 10-14 ans respectivement, en 2000, des différences decet ordre étant observées chaque année). En 1993, dernière année pour laquelle la Police et laGendarmerie nationales ont produit des chiffres fiables d’« infanticides », ceux-cireprésentaient 3,8% de l’ensemble des homicides1 alors que les enfants de moins de 1 an neconstituaient que 1,2% de la totalité de la population française. Dans cette tranche d’âge,enfin, les incertitudes diagnostiques, même dans le cas d’un événement en apparence aussicirconscrit et clair qu’un décès, sont grandes et la survenue d’un décès « inattendu » chez unnourrisson exempt de toute pathologie ou malformation connues, notamment sous l’étiquette« mort subite du nourrisson » (MSIN), pose de délicats problèmes d’interprétation. En effet, sila mortalité avant l’âge de 1 an diminue régulièrement en France (8010 cas en 1980, 5600 en1990, 3545 en 1995 et 3393 en 2000), elle reste néanmoins préoccupante notamment parceque l’analyse des données de mortalité du CépiDc, pour cet âge, révèle certains phénomènestroublants : correspondent au codage de certificats de décès sans mention de cause, notamment parnon-transmission de l’information à partir des Instituts médico-légaux (IML) ;· ensuite le taux très élevé de décès dits accidentels, particulièrement celui des morts paraccidents non liés à la circulation, à un âge où l’enfant n’a que peu de capacités d’êtreacteur de son accident (9,5 pour 100 000 en 2000, alors que ce taux n’est plus que de5,2 chez les enfants de 1 à 4 ans, « âge de tous les dangers » notamment face au risqued’accident domestique). Ce taux (avant 1 an) est beaucoup plus élevé que ceux despays du Nord de l’Europe et les statistiques sanitaires mondiales de l’OMS [2]indiquent qu’en 1999, aux Pays-Bas le taux de mortalité par accident non lié à lacirculation avant 1 an était de 4,9 pour 100 000, et en Suède, de 2,2 ;· le petit nombre annuel d’homicides, répertoriés comme tels, au niveau national (13 en1990, 17 en 1995, 11 en 1999, 19 en 2000), les chiffres semblant peu réalistes comptetenu des milliers de cas de mauvais traitements signalés annuellement, et descomparaisons que l’on peut faire, pour les homicides chez l’ensemble des enfants demoins de 15 ans, entre les données du CépiDc et celles de la Police et la Gendarmerienationales (40 cas pour le CépiDc versus 74 pour la source policière, en 1999) ;· enfin, une évolution, depuis une vingtaine d’années, des causes de décès (telles quedéclarées), avant l’âge de 1 an, marquée par des changements dans le temps, souventliés à des changements de diagnostic et de codage (par exemple diminution massivedu taux des « suffocations alimentaires » et augmentation parallèle de celui des« morts subites du nourrisson »). En ce qui concerne plus particulièrement certains casde morts violentes intentionnelles, des confusions avec d’autres diagnostics (« fausseroute », mort subite, « accident ») ne sont pas impossibles. (...)
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