Le génie végétal au Québec pour la stabilisation des berges État de la situation
Résumé
La présence d’infrastructures ou d’enjeux humains impose parfois de restreindre la libre mobilité des cours d’eau et de stabiliser les berges. Dans ces cas-là, peut-on limiter efficacement l’érosion des berges tout en préservant la qualité écologique, la valeur esthétique et le potentiel récréatif des cours d’eau ? C'est dans cette perspective que les techniques de génie végétal peuvent constituer une alternative aux techniques de génie civil. Alors que les techniques de génie civil utilisent des matériaux inertes comme le béton, le métal ou la roche, les techniques de génie végétal utilisent les propriétés mécaniques, physiologiques et biologiques des plantes vivantes pour stabiliser les berges et les protéger contre l’érosion, mais aussi restaurer la biodiversité et les fonctions écologiques associées (chap. 2). Outre la protection des berges contre l’érosion, les techniques de génie végétal présentent de nombreux bénéfices : les berges ainsi végétalisées offrent une grande diversité d’habitats aux plantes, aux macro-invertébrés benthiques, aux poissons ou aux oiseaux ; elles assurent la connectivité entre des milieux fragmentés et peuvent même permettre aux espèces de migrer en adaptation aux changements climatiques. Elles fournissent également de nombreux services écologiques, comme l’amélioration de la qualité physico-chimique des cours d’eau, la lutte contre les espèces envahissantes, l’atténuation des ilots de chaleur, le stockage du carbone, le support à des activités récréatives ou à la valeur esthétique des paysages (chap. 4 et chap. 9).
Malgré tous ces bénéfices, l’usage des techniques de génie végétal reste limité au Québec (chap. 3), en raison de certaines spécificités du contexte québécois : la glace, la neige et les vagues constituent des forces érosives majeures, le climat rigoureux contraint le calendrier de chantier, tandis que la présence d’argiles rend plus complexe le recours au génie végétal, car cela nécessite des quantités massives d’enrochement qui servent de contrepoids (chap. 5). Il y a également des défis techniques : la méconnaissance qui entoure encore ces pratiques mène souvent au surdimensionnement des ouvrages ainsi qu’à une mauvaise prise en compte des bénéfices écologiques et sociaux ; et travailler avec le vivant induit une fragilité dans les premières années suivant la mise en place de l’ouvrage (chap. 6).
Outre ces limites techniques, certains facteurs culturels et sociaux peuvent conditionner le recours au génie végétal. Ainsi, si les techniques de génie végétal sont généralement présentées comme peu coûteuses, leur coût reste mal évalué, et les opportunités de financement ne semblent pas incitatives (chap. 7). En ce qui concerne les connaissances, on peut qualifier le domaine de « niche scientifique », et un grand nombre de questions propres au Québec restent peu ou pas documentées. Il y a aussi d’importants besoins en termes de formation initiale et continue (chap. 8). L’acceptabilité sociale des projets est également un facteur important, puisque les habitants peuvent être de véritables alliés pour ces projets, comme des opposants, en fonction de leur évaluation de la performance de ces techniques, de leur perception de la biodiversité, de la valeur esthétique qu’ils attribuent aux berges végétalisées, ou encore des enjeux liés à la justice sociale (chap. 9). La mise en place d’ouvrages de génie végétal implique une diversité d’acteurs et d’actrices, et des difficultés administratives peuvent apparaître, en particulier au moment de la procédure d’appel d’offre, de la signature des plans et au cours du chantier (chap. 10). Enfin, si la législation présente quelques dispositifs favorisant l’usage de génie végétal, des freins réglementaires existent, en particulier en ce qui concerne l’encadrement des techniques mixtes et des mesures compensatoires (chap. 11). Finalement, ce rapport permet d’identifier les manques de connaissance, les freins et les leviers pour un usage plus large de ces techniques au Québec.
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