Déni de réel et conscience empêchée. Clivages et consensus autour du suicide voyageur dans le métro parisien - Autres chercheurs
Communication Dans Un Congrès Année : 2005

Déni de réel et conscience empêchée. Clivages et consensus autour du suicide voyageur dans le métro parisien

Résumé

La présente communication se propose d'examiner la situation d'un groupe du « noyau central » de la classe ouvrière, les conducteurs du métro, dans une entreprise de service publique, la RATP, qui, en même temps qu'il reconnaît l'existence d'un risque, le suicide des voyageurs, lui dénie une qualification professionnelle et s'accorde avec la direction pour qu'il soit traité sur un mode individuel par une organisation extérieure. C'est ainsi qu'un administrateur salarié CGT va se voir confier en septembre 1998, par le PDG de la RATP, la mission d'examiner la réponse à apporter aux agents agressés et qu'il va proposer la création d'un lieu “indépendant de l'entreprise”. C'est également au cours de cette mission que le secrétaire général du Syndicat Autonome Traction (SAT), organisation « corporatiste » des conducteurs dont l'influence est prépondérante même si il fait jeu égal avec la CGT dans ce groupe, va demander que le suicide voyageur soit considéré comme une agression. Ce groupe professionnel bénéficie en apparence de toutes les conditions pour, s'il le voulait, pouvoir intervenir sur sa capacité, dans le travail même, à gérer ce risque. Mais il faudrait, au préalable, qu'il porte cette question dans les instances représentatives ou dans les audiences syndicales. Pourtant, à la différence des conducteurs SNCF, sur cette question, les instances sont quasi muettes. Ce n'est que sur un mode mineur ou localisée que l'énonciation de ce risque se produit par la voie syndicale. Ce mutisme loin d'être le seul apanage des conducteurs est également partagé, sous des modalités différentes, par la direction de la RATP. Là aussi, comme pour l'externalisation du traitement des conséquences du risque, il y a consensus. Mais le mutisme de la direction sur le risque prend une autre forme. La manière de parler du suicide voyageur comme risque professionnel a d'abord fait l'objet d'une « neutralisation » pour évacuer la violence de la chose et pouvoir être saisi comme un objet « banal » dans des discussions de service. C'est sous la forme de l'euphémisme “intrusion voyageur” que, depuis 1986, la direction de la RATP parle du suicide voyageur dans le cadre des processus d'automatisation intégrale de la conduite. Cette invention langagière a eu pour pendant, dans le monde des objets techniques, l'implantation de portes palières hautes comme “protection vis-à-vis des suicides”, si l'on reprend la terminologie non édulcorée de la direction du ferroviaire, ou pour “prévenir les intrusions voyageurs” si l'on reprend les termes de la direction générale de la RATP. Malgré les dénis, cette coïncidence entre la suppression des conducteurs et l'apparition de portes palières manifeste que, pour les dirigeants de la RATP, elles sont, avant toute considération de qualité de service, un opérateur moral destiné à les protéger du suicide voyageur. Enquête sur cette conscience à éclipses du suicide voyageur dans l'espace du métro.

Domaines

Sociologie
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halshs-00441108 , version 1 (14-12-2009)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00441108 , version 1

Citer

Robin Foot. Déni de réel et conscience empêchée. Clivages et consensus autour du suicide voyageur dans le métro parisien. 40ème Congrès de la SELF « Le travail humain, facteur de développement durable et de cohésion sociale », Sep 2005, Saint-Denis de la Réunion, France. ⟨halshs-00441108⟩
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