Sainte-Colombe (69), 435, rue du Docteur Trenel
Résumé
La fouille d’archéologie préventive conduite au 435 rue du Docteur Trénel s’inscrit dans le cadre de la construction de deux immeubles et de deux maisons individuelles, et s’est déroulée du 25 août au 24 octobre 2014.
La surface de fouille concernée a totalisé 2750 m² et prend place au sommet d’une terrasse alluviale du Rhône de l’époque würmienne, dominant le cours actuel du fleuve d’une dizaine de mètres. Le site est localisé dans un quartier de la rive droite de la cité antique de Vienne. En marge d’un quartier résidentiel, ce secteur de la ville s’insère dans une trame urbaine qui semble parfaitement maîtrisée et structurée par un mode de lotissement standardisé. La fouille a en effet permis de mettre au jour les vestiges d’un vaste bâtiment, d’une cinquantaine de mètres de long d’est en ouest et de 12 m de large, dont la façade méridionale était alignée sur l’axe d’une rue d’environ 6 m de large orientée nord-ouest/sud-est à NL 58° 30 ' O. Au nord, il était bordé par un portique de 3 m de large ouvrant sur une cour. Cet édifice à l’architecture homogène était divisé en modules transversaux identiques de 5 m de large. Chacune de ces cellules était cloisonnée en deux espaces de boutique et d’arrière-boutique de 4 m et 7 m de profondeur. Le développement de ce quartier est attesté à partir de la fin de l’époque Julio-Claudienne et principalement pendant la période flavienne. La vocation artisanale et assurément commerciale de ce quartier est attestée par la découverte d’un atelier de verrier dont les vestiges de deux fours ont pu être mis au jour dans le grand bâtiment, et par la découverte au sud de la rue d’un vaste four destiné à la cuisson de céramiques.
Les deux fours de l’officine de verrier se succèdent entre la fin du Ie s. apr. J.-C. et le début du IIe s. apr. J.-C. Il s’agissait de fours à dôme dont seules les chambres de chauffe circulaires d’un diamètre interne de 0,55 m étaient conservées (fig .1). Les déchets de fabrication (coulures, éclats…) recueillis dans ces deux structures montrent la transition progressive qui s’opère à cette époque, avec la raréfaction des verres volontairement colorés et l’utilisation majoritaire des verres bleu-vert, avant que ne devienne prépondérant le verre incolore dans le courant du IIe s. apr. J.-C.
Le four de potier remarquablement bien conservé sur près d’un mètre de profondeur possédait une chambre de chauffe quadrangulaire d’environ 4 m², précédée par un alandier de 1,5 m de long et 1 m de large (fig.2). De nombreux fragments de céramique piégés sur le fond de la chambre et dans la fosse de travail révèlent des fournées essentiellement composées de cruches caractéristiques des productions de céramiques communes à pâtes claires viennoises du Ier s. apr. J.-C.
Au cours du début du second siècle, des travaux d’envergure sont engagés pour l’aménagement du réseau d’assainissement de la rue. Un collecteur d’égout, identifié sur 45 m de long, pourvu d’un conduit de 0,75 m de large et d’une hauteur sous voûte d’environ 1,40 m est construit au centre de la rue. Plusieurs canalisations connectées à cet égout sont également construites simultanément pour la récupération des eaux pluviales et des eaux usées provenant de la rue et du bâtiment (fig.3).
Au même moment, un vaste bassin de 15 m² est construit sur le côté sud de la rue. Il est muni d’un exutoire relié au collecteur d’égout par une canalisation. La fonction de cet ouvrage de conception classique n’est pas évidente à définir. Il se singularise toutefois par la conservation d’un ensemble de négatifs linéaires formant un quadrillage et des compartiments quadrangulaires.
La première moitié du second siècle est également marquée par des remaniements conséquents d’une partie du grand bâtiment. Les espaces initiaux sont cloisonnés par la construction de nouveaux murs et l’architecture du bâtiment semble être renforcée par l’adjonction de plusieurs maçonneries de bases de piliers. L’arrière du bâtiment est également modifié, avec la construction d’un mur parallèle au portique et qui, par un retour, vers le bâtiment, définit un nouvel espace clos. La symétrie manifeste de toutes ces modifications révèle l’existence d’un programme architectural qui émanerait d’un seul donneur d’ordre. Peu d’éléments révèlent les activités qui furent exercées dans ce nouveau bâtiment. Une cuve à pan incliné (très mal conservée) est aménagée dans une pièce initialement munie d’un sol en béton de chaux. Ce dispositif n’est pas sans rappeler une structure identique située dans l’enceinte de la grande Fullonica à Saint-Romain-en-Gal et étant interprétée comme un lavoir.
Dans une petite pièce, deux amphores réemployées comme conteneur étaient conservées en position fonctionnelle.
La désuétude et l’abandon du site peuvent sans doute être placés dans le courant de la seconde moitié du IIe apr. J.-C. et peut-être au début du IIIe s. apr. J.-C. Il n’y a toutefois aucun indice de la fréquentation du site au-delà du IIIe s. apr. J.-C.
La fouille du 435 rue du Docteur Trenel témoigne de l’extension et de la structuration de ce secteur méridional de l’agglomération antique de Vienne avec un quartier de la périphérie de la ville dévolu, comme bien souvent, à des activités artisanales. La découverte inédite de deux fours de verriers complète de manière exceptionnelle la connaissance de cet artisanat qui n’était jusqu’à présent attesté à Vienne que par la découverte d’un four de l’Antiquité tardive, observé lors de l’opération de la rue des Colonnes, située sur la rive droite de la Gère.
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